Le Quotidien 2024-07-19

 

Le mot de…

Juliette Bertrand


Chaque jour, un membre de l’équipe vous raconte son Verbier Festival

Pour résumer simplement, le travail de bibliothécaire d’orchestre consiste à faire en sorte que chaque musicien ait en face de lui, la bonne partition quand commence le concert. C’est assez simple à résumer, mais ce n’est que le résultat d’un long travail qui commence très en amont de la période du Festival. Derrière chaque œuvre, se cache tout un processus de commande, d’archivage, d’annotations et de préparation.

Une fois la programmation fixée, la première étape consiste à prendre contact avec les différents chefs d’orchestre pour confirmer quelle version ils souhaitent jouer au festival, puis trouver l’éditeur qui possède les droits de cette version.

Ensuite, il faut adapter les partitions à l’orchestre de Verbier. Parfois on modifie la partition pour qu’elle corresponde à l’orchestre, parfois on modifie l’orchestre pour qu’il corresponde à la partition.
Il y a également un travail d’archivage. Il faut numériser chaque partition pour permettre aux musiciens de commencer à répéter avant leur arrivée à Verbier.
C’est à ce moment-là aussi que débute le travail minutieux de report des annotations dans chaque partie, pour chaque musicien (coups d’archets, nuances…). Annotations demandées par le chef d’orchestre ou les solistes.

Au Verbier Festival, il y a aussi toute une programmation de musique de chambre à préparer pour les concerts de l’Academy et ceux de l’Église et des Rencontres Inédites.

Puis, à la fin de chaque concert, il faut archiver les partitions. C’est une étape importante car elle permet de garder une trace des annotations et donc des interprétations d’une même œuvre selon les années et les artistes.

Je suis bibliothécaire au Verbier Festival depuis 2017. Chaque année, c’est un nouveau challenge et des nouvelles rencontres humaines et artistiques. J’aime ce métier car il est à la croisée de presque toutes les facettes d’un concert : la technique, l’artistique, la régie, la communication… En partant d’une simple partition, il faut trouver les informations qui serviront aux autres départements pour préparer le concert (le nombre de musiciens, les instruments, la durée de l’œuvre, le nombre de mouvements…)

 

Juliette Bertrand
Bibliothécaire des orchestres

Prochains concerts

19.07

 

COMBINS | 18:30

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20.07

 

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Le questionnaire de Proust

Magdalena Kožená


Chaque jour, un artiste se prête au jeux !

Le principal trait de mon caractère:

La flexibilité !

Mon principal défaut:

Être un peu maniaque du contrôle

Ma principale qualité:

Être toujours fiable

Mes héros dans la fiction:

Mon Fox Terrier Louis XVII et mon Jack Russel Oona

Mes héros dans la vie réelle:

Les personnes en paix avec la conscience de leur propre mortalité
People who have peace of mind when it comes to their sense of mortality

Ma nourriture et boisson préférées:

Du bon pain avec du beurre ou de l’huile d’olive avec du vin rouge

Ce que je déteste par-dessus tout:

Les comportements égoïstes et intolérants, les gens qui sont constamment sur leur téléphone au lieu de parler ou de prêter attention aux autres, et je ne pense pas que je survivrais si j’étais coincée dans un ascenseur ou tout autre espace étroit sans fenêtres

Le don de la nature que je voudrais avoir:

J’aimerais être un peintre de talent

Comment j’aimerais mourir:

De vieillesse, sans douleur, dans la nature, entouré des gens que j’aime et avec le sentiment d’avoir été utile à au moins quelques êtres vivants au cours de ma vie

Ma devise:

Ne fais rien que tu n’aimerais pas que l’on te fasse


22.07
Église

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Mainstage

Mahler, bien au-delà des sommets des montagnes

 

C’est à la plus vaste des neuf symphonies de Gustav Mahler que revient l’honneur d’ouvrir le Verbier Festival, une Troisième symphonie qui est un hymne à la création et à l’Homme.

« Inutile de regarder le paysage, il est passé tout entier dans ma musique !» lance Gustav Mahler à Bruno Walter venu lui rendre visite, en juillet 1896, dans un village de Haute-Autriche. Comme chaque année, Mahler profite de la trêve estivale pour composer (il est alors premier chef de l’Opéra de Hambourg) et cet été-là, il termine sa Symphonie N° 3. Elle entretient des liens étroits avec la nature.
Dans ses symphonies, Mahler comptait « créer un monde avec tous les moyens possibles », un monde qui englobe les mystères de la vie, de la gestation de l’univers jusqu’à l’amour. La Troisième dépasse l’heure et demie et requiert un effectif gigantesque : un large orchestre comptant des bois par quatre, huit cors (!), quatre trompettes, quatre trombones, des percussions dont des cloches tubulaires, une mezzo-soprano, un chœur d’enfants et un chœur de femmes.
Chacun des six mouvements comportait à l’origine un titre qui avait valeur de programme et que Mahler supprima finalement. Le premier mouvement Pan s’éveille, l’été fait son entrée, fresque monumentale, s’ouvre par le puissant appel des huit cors qui mobilisent l’ensemble des forces orchestrales. Le deuxième mouvement Ce que me racontent les fleurs de la prairie, tranche par sa légèreté, sa transparence. Le scherzo qui lui fait suite évoque Ce que me racontent les animaux dans la forêt. S’ouvrant par le caquètement effronté de la clarinette, du hautbois et de la flûte, il s’enfonce progressivement vers des zones plus obscures à travers lesquelles retentira l’appel lointain du cor de postillon : le corniste est en coulisse ! Les trois derniers mouvements entraînent vers des sphères supérieures.
Le quatrième mouvement marque un tournant dans la symphonie : après la nature, elle s’intéresse à l’homme. « Très lent. Misterioso ». Du murmure des cordes graves s’élève le chant de la mezzo-soprano qui emprunte quelques phrases à Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche. « O Mensch! Gib Acht! » : « O homme prête attention ! / Que dit le minuit profond ? ». Cette longue méditation sur la douleur et la joie du monde est ponctuée des questions du hautbois et du cor anglais. Le cinquième mouvement est une vision paradisiaque. Le long finale confie une tendre mélodie aux cordes seules avant de convoquer les autres pupitres en un immense crescendo qui prend des allures d’hymne à l’amour, et d’élévation vers l’éternité, vers le divin. Une troisième symphonie bien au-delà des sommets des montagnes que contemplait Bruno Walter dans son environnement à Verbier !

 

Laetitia Le Guay-Brancovan

Academy

La partition et ses profondeurs cachées

 

Pianiste et chercheur, pédagogue au calendrier international, le Dr Yannis Rammos propose un atelier d’interprétation inspiré par les techniques de « lecture approfondie » de grands maîtres du 20e siècle

Yannis Rammos, vous cherchez à mettre le jeune interprète sur la voie de la trame tonale sous-jacente de la partition. Qu’est-ce que cela implique exactement ?

Les concertistes redoutent toujours d’être influencés par d’autres : les interprétations doivent être très personnelles, mais aussi sincères et justes sur le plan stylistique. Il ne suffit pas de connaître la partition comme une série de sons et de gestes bien répétés. Il faut se l’approprier, identifier la raison d’être de chaque note – en devenir l’auteur. Lorsque des acteurs se préparent à jouer un rôle, ils se réunissent autour d’une table pour lire le scénario. Ils travaillent sur les motivations des personnages, leurs pensées conscientes et inconscientes, les événements qui provoquent ou justifient leurs actions. Les acteurs peuvent se contenter de répéter des mouvements et des intonations vocales, et réaliser une interprétation acceptable. Mais pour que cette dernière soit exceptionnelle, un travail plus approfondi est nécessaire, une prise de conscience de l’intrigue et de la complexité des personnages. C’est ce que j’essaie de faire, mutatis mutandis, dans mes ateliers : mettre en lumière le « drame tonal », la logique psychologique qui n’est pas immédiatement visible dans la partition, mais qui est essentielle à une interprétation remarquable.
Découvrir cette trame dans la musique n’est pas facile, car elle n’est pas faite de mots. Ses « acteurs » sont les tons eux-mêmes qui, soumis aux lois de l’harmonie, de la polyphonie et de la répétition, interagissent et s’imbriquent de manière non évidente : ils ont des projets, des dilemmes, des désirs, des frustrations, des accomplissements, etc. De manière archétypale, les relations tonales ressemblent au drame de l’expérience humaine. C’est véritablement ainsi que fonctionne la musique classique. Les plus grands interprètes ont la capacité de discerner ce cadre dramatique et de faire entendre une voix, un personnage, un sujet qui peut s’épanouir dans cet espace.

Comment s’organise l’atelier ?

À Verbier, je ne disposerai que de 45 à 90 minutes avec chaque étudiant – et il faudrait au moins 3 à 5 séances pour préparer une interprétation ! Au lieu de cela, nous essayons d’expérimenter la valeur d’une écoute plus approfondie à travers des extraits choisis. Parfois, cela libère l’imagination. Il n’est pas question de théorie, mais d’un cours de piano libre – nous travaillons entièrement au clavier, sur le son, dans le but de nous produire sur scène. Oui, je m’inspire des idées de certains théoriciens, comme Ernst Kurth, Heinrich Schenker, Sergei Protopopov et Leo Mazel. Mais mes modèles sont les pédagogues historiques du piano – Lev Naoumov, Edward Aldwell et d’autres – dont l’art combinait une lecture extraordinairement perspicace des partitions et une imagination sonore exceptionnelle.

19.07

 

Propos recueillis par Laetitia Le Guay-Brancovan

 

Il était une fois
en Val de Bagnes…


Chaque jour, un clin d’oeil à l’histoire de notre région

19 juillet 1910 : Inauguration de la première ligne téléphonique à Verbier

 

VF Gold

Les trésors des archives du Verbier Festival


Chaque jour, découvrez un album
de notre playlist VF Gold

NOUVEL ALBUM MISCHA MAISKY IN VERBIER

Works by Bruch, Tchaikovsky, Grieg R. Strauss, Juon, Schubert, Rachmaninoff

Mischa Maisky
Martha Argerich
Lily Maisky
Sascha Maisky
Verbier Festival Orchestra
Verbier Festival Chamber Orchestra
Charles Dutoit

Verbier Festival Gold – Overview | Deutsche Grammophon

 

 

 

 

Un regard sur Verbier


Chaque jour, une devinette en photo

Devinez où ce détail a été photographié ? Réponse demain dans le prochain numéro

Réponse du Quotidien d’hier : Les vitraux de l’Église de Verbier Station

 

À  la rencontre
d’une festivalière


Chaque jour, un festivalier nous décrit en une phrase le Verbier Festival

 « Le Verbier Festival amène une touche de culture dans la station qui manquerait autrement. La musique est une véritable source d’énergie pour Verbier. »

Mathilde, 29 ans

 

 

« Rhapsody in blue extended » : un dialogue jubilatoire avec Gershwin

Coup d’envoi de la série Projector au cinéma de Verbier. Paul Lay, salué comme l’un des plus brillants pianistes de jazz français, prix Django-Reinhart et grand prix du disque jazz de l’Académie Charles Cros, convie avec son Trio à une soirée d’improvisation

Paul Lay, Rhapsody in Blue de Gershwin sera au centre de votre concert. Quel est votre lien à cette œuvre ?

Gershwin est un merveilleux compositeur pour les musiciens de jazz. Par ses mélodies incroyables, il a vraiment façonné l’histoire du jazz – son Songbook reste un matériau inépuisable – et nous improviserons d’ailleurs ce soir sur certaines d’entre elles. Mais le cœur de la soirée, ce sera Rhapsody in Blue dont on fête cette année le centenaire. La partition est fascinante par la façon dont le classique et le jazz s’y mêlent. Gershwin était d’une famille d’origine russe installée à New York et il a opéré dans sa musique une synthèse extraordinaire entre sa culture européenne et les sons du jazz naissant, américain et afro-américain. Pas seulement par le célèbre glissando de clarinette ! Gershwin emprunte au jazz des matériaux harmoniques, des cadences harmoniques (enchaînement d’accords spécifiques), une couleur de blues et même du swing. Le jour de la création, il était au piano et improvisait. Plus tard seulement, il a tout fixé par écrit.

Votre concert s’intitule Rhapsody in Blue « extended ». Une extension dans la durée ?
L’œuvre de Gershwin est fondée sur 4 thèmes qui évoluent et varient au fil du temps. J’ai voulu la remodeler en y ouvrant des fenêtres pour improviser. La partition dure 15 minutes, notre improvisation fera le double. Avec mes amis Clemens van der Feen, à la contrebasse, et Gautier Garrigue, à la batterie, nous partirons de thèmes que tout le monde connaît, pour réinventer chacun d’eux en temps réel, sous la forme d’une variation spontanée. Nous mettons dans cette réinvention les émotions qui nous traversent nous racontons l’histoire que nous voulons raconter. Pas n’importe comment bien sûr, il y a un héritage, des codes, une histoire du jazz !
Le point de départ est écrit, mais quand nous improvisons, nous n’avons plus rien sur la partition, juste une grille d’accords sur la portée : une grille harmonique.

 

Chaque musicien a son narratif, son imaginaire. Comment se structure une improvisation à trois ?

Je me produis avec Clemens et Gautier depuis 10 ans, nous avons donc besoin de peu de répétitions. Nous sommes connectés et en confiance les uns avec les autres, ce qui est essentiel car l’improvisation est fondée sur l’instant. Le pianiste improvise, le bassiste harmonise, la batterie donne le rythme : c’est une conversation à trois. On part de la mélodie. On joue avec elle. On se fonde donc sur le rythme, le matériau harmonique, mais aussi sur les silences Le silence crée la tension en faisant respirer.
Quand une idée surgit du collectif, il faut laisser la musique s’exprimer par l’interaction des trois musiciens et faire en sorte que l’improvisation tienne dans la durée.
Nous devons nous faire confiance mutuellement pour que cette matière organique soit dynamique, pertinente pour l’auditeur. Une part du mental s’en va, on arrive au lâcher prise total. Tout peut se produire. Nous ne savons pas où nous la musique nous mène, mais seulement dans de belles contrées. C’est jubilatoire.

Vous êtes l’un des pianistes de jazz français les plus remarqués. Vous avez aussi une formation classique. Qu’est-ce qui vous a attiré dans le jazz ?

Quand je l’ai découvert à 10 ans, j’ai été immédiatement séduit par ses règles du jeu. Dans le classique, il faut trouver la liberté dans l’interprétation. Dans le jazz, je crée mon discours. C’est un terrain de jeu fertile. C’est aussi un art très démocratique quand il est en groupe
Chacun laisse les autres s’exprimer, au service d’une forme collective qui surgit, qui nous embarque, qui nous dépasse. Nous accédons alors à un état de grâce, ce n’est plus nous qui jouons, mais le collectif qui joue.
Je me sens vraiment vivant dans cette intensité de l’instant. Je suis heureux de faire ce métier-passion, cette passion qui est devenue un métier.

 

19.07

Propos recueillis par Laetitia Le Guay-Brancovan

 

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