En 1892, Ysaÿe a composé son Poème élégiaque, dédié à Fauré et inspiré par la scène du tombeau dans Roméo et Juliette. Cette pièce, constituée d’un seul mouvement, commence et se termine dans la tonalité ré mineur, avec un lyrisme élégant qui entoure une « scène funèbre » centrale en si bémol mineur, représentant Roméo pleurant le corps apparemment mort de Juliette. Dans cette partie, des sonorités sombres de cloches émanent du piano, et le violon, accordé un ton plus bas sur sa corde de sol, ajoute à l’atmosphère sombre. Les premières mesures suspendent le temps de manière songeuse, avec une tierce proéminente qui guide le reste du mouvement. Vient ensuite un Allegro turbulent et virtuose, suivi d’un recitativo-fantasia d’inspiration opératique, imprégné d’une atmosphère dense, qui semble se terminer dans le désespoir. Cela amplifie le sentiment de libération éclatante au début du finale en la majeur, où les deux instruments s’entrelacent tendrement en canon, pour finir dans un triomphe extatique. L’ardente Sonate pour violon en trois mouvements de Strauss de l’année suivante a été inspirée par sa future épouse, la soprano Pauline de Ahna. Ses structures complexes et ingénieuses, ainsi que ses audacieuses tournures harmoniques, ont souvent des accents d’opéra.