Bienvenue au Verbier Festival et merci d’avoir choisi d’être avec nous pour cet anniversaire d’exception. Lorsque nous avons lancé le Verbier Festival en 1994, il n’y avait que quelques grands festivals de musique classique dans la région de Suisse Romande. Je n’avais jamais eu l’intention de créer un autre festival. Je cherchais quelque chose de plus inclusif, quelque chose qui s’appuierait sur mon expérience d’agent d’artistes et qui aurait en même temps une forte dimension éducative. 30 ans après, je pense que nous avons créé l’un des festivals de musique les plus reconnus d’Europe, mais aussi un festival avec une identité unique. Ces dix premières années, notre devise a été Une communauté des arts du spectacle, comprenant des académies de musique, de danse et de théâtre. Au fil des ans, nous nous sommes concentrés sur la musique, j’espère qu’à l’avenir nous pourrons revenir à la danse et au théâtre.

L’une des nombreuses forces du Festival est le niveau unique de création musicale que Verbier a atteint en matière de création artistique. Ce n’est pas n’importe quel artiste qui se produit à Verbier, c’est la crème de la crème. Les plus célèbres musiciens de notre époque côtoient les jeunes talents d’aujourd’hui. Au début, les grands solistes et maestros venaient par amitié pour moi ou pour Avi Shoshani. J’ai le sentiment que maintenant ces artistes ont adopté le Verbier Festival et en ont fait quelque chose pour eux-mêmes. La camaraderie, la créativité et la générosité au sein de notre famille d’artistes font chaud au coeur.

C’est ce qui rend le Verbier Festival unique, et c’est ce que le grand public ressent lorsqu’il vient passer du temps à Verbier pendant le Festival. Je suis profondément reconnaissant à tous les soutiens individuels, aux fondations et aux sponsors y compris notre sponsor anniversaire Rolex. Ils ont permis de faire de cette édition le couronnement de 30 années de succès. Je remercie tout particulièrement le Président de la Fondation, Peter Brabeck-Letmathe, et tous les membres de mon Conseil d’administration. Et un grand merci à l’unique Aline Foriel-Destezet. La Commune du Val de Bagnes, la Loterie Romande et Les Amis restent nos principaux partenaires dans le développement du Verbier Festival, et au nom de toute mon équipe, je tiens à leur dire un grand merci pour ce qu’ils ont fait pour nous et pour ce qui reste à venir.

Martin T:son Engstroem
Fondateur & Directeur du Verbier Festival
Founder & Director

À l’instar de ses confrères musiciens Philippe Herreweghe ou Christian Gerhaher, Zubin Mehta s’imaginait médecin. Mais la passion des arts, héritée d’un père violoniste et fondateur de l’Orchestre Symphonique de Bombay, en aura décidé autrement au point de quitter en 1954, encore jeune homme, son Inde natale pour la capitale de la musique, Vienne, où il devait se former auprès des plus grands. À défaut de soigner les corps, il serait donc médecin des âmes, s’évertuant à appliquer sans relâche un baume quasi miraculeux aux oreilles d’un public séduit, dès la première heure, par ce chef aux débuts véritablement palpitants. À 30 ans, Zubin Mehta affichait ainsi déjà un palmarès impressionnant : concerts à la tête des Orchestres Philharmoniques de Berlin et Vienne – qu’il fut, à 25 ans, le plus jeune chef à avoir jamais dirigé – ou encore directeur musical du Los Angeles Philharmonic. La suite serait à l’avenant comme ces véritables histoires d’amour, scellées, depuis, pour l’éternité, entre autres avec l’Orchestre du mai musical florentin et l’Israel Philharmonic, dont il devait devenir, respectivement, chef honoraire et directeur musical à vie. Alors que le Verbier Festival célèbre à son tour ses 30 ans, il peut, sans nul doute, se targuer d’un historique aussi impressionnant. Et c’est justement à cette baguette d’exception, devenue incontournable du paysage musical, que la manifestation a choisi de confier le concert inaugural de sa trentième édition. Qui marquera par ailleurs des retrouvailles riches en émotions puisque le chef indien avait assuré, le 12 juillet 1994, le tout premier concert du festival avec le Young Israel Philharmonic Orchestra et David Garrett dans le Troisième Concerto pour violon de Mozart, associé aux Six Pièces pour orchestre de Webern et à la Première Symphonie de Brahms.

Après avoir fait les beaux soirs du mai musical florentin, Zubin Mehta s’apprête donc à (re)faire ceux du « juillet musical valaisan ». Autant d’épisodes – marquants – de la vie de cet artiste, allusion au sous-titre choisi par Berlioz pour sa Symphonie fantastique que ce mage de la direction interprétera précisément à la tête du Verbier Festival Orchestra. Et ce dans la foulée de l’éminemment romantique Troisième Concerto pour piano de Rachmaninoff, qu’il connaît bien pour l’avoir dirigé en 1978 dans une version historique immortalisée par Vladimir Horowitz au piano. La soirée du 14 juillet s’annonce néanmoins tout aussi mémorable puisqu’il sera cette fois accompagné de la pianiste chinoise Yuja Wang, au firmament actuel des étoiles de l’instrument, qui devrait déployer son jeu époustouflant dans cet ô combien célèbre opus 30 du compositeur russe. Un numéro semble-t-il gagnant, comment eut-il pu cette année en être autrement ?

Anne Payot-Le Nabour

Zubin Mehta © Terry Linke

Pianiste fabuleux, compositeur au lyrisme ample, Rachmaninoff (1873-1943) aurait aujourd’hui 150 ans. Le Verbier Festival fête l’événement avec une série de concerts, et ouvre sa trentième édition avec le populaire et très virtuose Concerto pour piano N° 3 sous les doigts de Yuja Wang. Rachmaninoff est avec Tchaïkovski, le plus populaire des compositeurs russes. S’il s’est vu reprocher au XXe siècle un sentimentalisme qui semblait en marge de la modernité, nul ne conteste plus la puissance expressive de ses cantilènes en même temps que sa richesse polyphonique, sa profondeur. Son oeuvre abondante, prolixe pour le piano – son instrument – touche tous genres : musique de chambre, musique symphonique, mélodies raffinées, opéras, musique sacrée. Enfant prodige, être d’une nature passionnée et tourmentée, le jeune Sergueï est formé à Moscou par des maîtres de premier plan qui lui inculquent une rigueur et un goût du travail qui ne le quitteront jamais. Il compose en 1893 à la mémoire de Tchaïkovski, bouleversé par sa disparition, l’une de ses pages de musique de chambre les plus fameuses : l’intense Trio élégiaque N° 2. Pianiste d’exception en même temps que compositeur -et bientôt chef d’orchestre-, il crée à 19 ans son Concerto pour piano no 1 que suivent, après une dépression, les très lyriques Concertos N° 2 et N° 3, ce dernier d’une virtuosité diabolique. Rachmaninoff en assure la création en 1909 au cours d’une tournée aux États-Unis et le redonne peu après sous la direction de Gustav Mahler. Il poursuit parallèlement son oeuvre pour piano seul, dont Préludes op. 23 et 32 et les Étudestableaux, entre images de la Russie et « études »

au sens propre. Les dernières sont habitées par le pressentiment du cataclysme qui approche.

« Peut-être le plus grand pianiste ayant jamais existé » (Lugansky)

1917 trace une ligne qui sépare deux mondes. Lorsque Rachmaninoff fuit la Révolution bolchevique fin décembre, il prend le chemin d’un exil sans retour. Il quitte son pays, ses racines et par là, la source majeure de son inspiration. Il composera certes encore, mais peu au regard de la fertilité des années russes et mourra dans la nostalgie de sa terre natale. La vie qui commence à l’étranger en 1918 impose à Rachmaninoff de donner une ampleur nouvelle à sa carrière de pianiste, pour faire vivre sa famille. L’essentiel de son énergie y passe, aux États-Unis où il s’installe, et en Europe, avec comme ressourcement jusqu’en 1939, les séjours en Suisse dans sa villa « Senar » (Se-de Sergueï, Na de Natalia, son épouse, R de Rachmaninoff). Il subjugue par sa virtuosité, la profondeur de ses interprétations. De grandes pages adviennent encore, Les Variations Corelli de 1931, la Rhapsodie sur un thème de Paganini et les Danses symphoniques de 1942, manière de testament musical.

Laetitia Brancovan

Zubin Mehta

Yuja Wang

14.07

Programme

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